Samedi, on bulle ! Mai 2019
Séance 14 du samedi 25 avril 2019
BD présentées à la médiathèque André Malraux dans le cadre de Samedi, on bulle !
Dernière séance avant la coupure de l'été, c'est l'occasion de rallonger la liste de lecture pour les vacances !
Le Patient
Timothé LE BOUCHER
Glénat, 2019
Il y a six ans, toute la famille Grimaud a été tuée, sauf Pierre, qui se réveille après un long coma. Comme il souffre d'une paralysie de réanimation, une psychologue spécialisée dans les troubles post-traumatiques arrive pour le prendre en charge. Car chaque nuit, le jeune homme se réveille en sentant une présence menaçante peser sur lui...
Difficile d’en dire plus sans trop en dévoiler. L’auteur part d'une histoire de meurtre inexpliqué pour nous plonger à nouveau dans un thriller psychologique rondement mené. Au fil des séances de psychothérapie, on commence à lever le voile sur les nombreuses questions qui entourent ce mystérieux patient.
Cette 2e BD le confirme, Timothé Le Boucher sait poser une ambiance et ménager son suspens. Bien qu'un poil moins efficace que Ces jours qui disparaissent (Prix des libraires de BD 2017), Le Patient est tout de même une belle réussite grâce à son dessin soigné et à une intrigue prenante qui cultive l'ambiguïté.
Public adulte. Tome unique.
P.T.S.D.
Guillaume SINGELIN
Ankama, 2019
Jun est un vétéran de l'armée, dernière survivante de son unité. Au retour de la guerre, elle s'est retrouvée comme beaucoup à la rue avec une petite mallette de médicaments contre le stress post-traumatique, obligée de voler sur les marchés pour se nourrir. Arrivé à la fin de son traitement, elle est en manque et va donc commencer à attaquer les gangs qui font du trafic. Sa rencontre avec une jeune maman tenant seule un petit restaurant va peut-être lui apporter la sérénité dont elle a besoin. Mais Jun va-t-elle accepter cette main tendue ou poursuivre cette guerre qui ne l’a jamais quittée ?
L’univers de Singelin mélange beaucoup d’influences. Si le monde est fantaisiste, les situations dépeintes sont, elles, bien réalistes : l’absence totale de soutien pour les vétérans du Vietnam laissés à eux-mêmes, le difficile retour à des relations humaines normales… Le dessin tout rond et coloré contraste avec la dureté de l'histoire, la rendant soutenable. On apprécie la richesse et l’exotisme de cette ville aux mille ruelles, ainsi que la très belle mise en couleur aux multiples ambiances.
Public ado/adulte. Tome unique.
Beastars
Paru ITAGAKI
Ki-oon, 2019
Panique sur le campus Cherryton où cohabitent toutes sortes d’animaux : Tem l'alpaga s'est fait tuer et tout porte à croire que le coupable est un des élèves carnivores. Et bien entendu, c'est sur Legoshi le loup, qui fréquentait le club de théâtre comme la victime, que se portent les soupçons...
On s’en doute, le manga va rapidement tourner autour du thème des apparences trompeuses et du jugement social pour les animaux d’aspect féroce - mais également sur les dangers d'une apparence trop mignonne. Legoshi est d'un naturel calme et renfermé, sensible et asocial. C’est un personnage assez touchant qui se tient toujours voûté en espérant ne pas faire de vagues, mais sa tendance à rester dans les coins sombres n'aide pas à faire taire les soupçons. En plus de devoir lutter contre son instinct, le loup va se retrouver pris dans des jeux de pouvoir et de manipulation, certains herbivores influents voyant un avantage à jouer sur son aspect dangereux.
Un début accrocheur pour cette série couronnée notamment du prix Osamu Tezuka.
Public ado/adulte. Série en cours.
Captain Marvel
Peggy Sue DeCONNICK (scénario) & Dexter SOY (dessin)
Panini, 2019
L’Avenger extra-terrestre Mar-Vell est mort et il faut quelqu'un pour reprendre le titre de Captain Marvel. Mais malgré l'insistance de Captain America, Carol Danvers hésite car il n’est pas facile pour une femme d’endosser le rôle d’un autre, même si elle a hérité de ses pouvoirs. D’autant plus qu’une page se tourne pour elle avec la mort de son modèle, la pilote Helen Cobb. Alors qu'elle accepte enfin le titre, elle se retrouve projetée dans le temps et recroise ses mentors…
Comme souvent chez Marvel, une bonne scène de bagarre nous plonge directement dans l’ambiance. Le tout est servi avec de bonnes punchlines et un dessin très réussi pour les premiers chapitres, mais qui baisse en qualité ensuite. La ficelle du voyage temporel est certes éculée mais elle permet d’évoquer les origines du personnage tout en proposant une critique sans concession de la place des femmes dans l'armée de l'air. Le scénario devient hélas assez confus par la suite, avant d’enchaîner sur deux histoires totalement différentes.
Un premier tome en demi-teinte en raison d’une qualité inégale de certains chapitres, mais pas mal pour découvrir le personnage.
Public ado/adulte. Série en cours.
C’est quoi, un terroriste ? Le procès Merah et nous
Doan BUI (scénario) & Leslie PLÉE (dessin)
Seuil / Delcourt, 2019
En 2012, Mohammed Merah tue trois militaires, puis un père et trois enfants devant une école. En janvier 2015 a lieu le massacre à la rédaction de Charlie Hebdo. Puis le 13 novembre. Doan Bui, journaliste pour L’Obs, se poses la question : comment évoquer ce sujet avec ses filles qui en entendent parler à l'école, à ces enfants qui grandissent dans un monde imprégné par le terrorisme ?
Elle va donc raconter le procès Merah qu’elle a suivi pendant cinq semaines en 2017. Son propos est très didactique sans être lourd : elle décrit la salle où se déroule le procès et les rôles des différents acteurs, les témoignages des proches, ce qu'a changé le live-tweet... tout en retraçant près d'une décennie de procès de terroristes afin d'essayer de comprendre la boucle de la radicalisation.
Le dessin tout rond et simple de Leslie Plée adoucit un peu le propos. Malgré la gravité et la densité du sujet, la mise en page n’est jamais indigeste et tout est fait pour illustrer de la façon la plus claire possible.
Une BD intéressante pour découvrir les rouages de la justice dans ce genre d’affaires.
Public ado/adulte. Tome unique.
Babybox
JUNG
Soleil, 2018
On sent que les sujets de l’abandon et de l’identité travaillent toujours Jung : après Couleur de peau : miel, œuvre autobiographique en 4 tomes, il revient sur ces thèmes avec Babybox, fiction cette fois-ci.
On y suit Claire Kim, jeune femme française d’origine coréenne qui semble mener une vie heureuse. Pourtant, une tristesse étrange lui pèse. Et puis un jour, un drame l’amène à découvrir un secret que ses parents lui avaient caché. Elle décide alors de retourner en Corée pour régler ses comptes avec son passé.
Les personnages sont vite attachants, surtout Julien, le petit frère qui voue une passion au film Braveheart au point d’aller à l’école en kilt. Mais assez vite, ceux qui ont déjà lu Couleur de peau : miel vont se rendre compte que la BD est parfois trop bavarde et manque un peu de la retenue de l’œuvre précédente. La comparaison se fait également pour les dessins, de qualité assez inégale dans les visages et aux décors vides. Il y a toutefois des moments de grâce, comme cette scène des coquelicots.
Finalement, on en vient à se demander pourquoi l’auteur a choisi d’écrire une fiction pour raconter la même chose. Pour avoir un happy end impossible dans sa BD autobiographique ?
Public adulte. Tome unique.
Intelligences artificielles, miroirs de nos vies
FIBRETIGRE, Arnold ZEPHIR (scénario) & Héloïse CHOCHOIS (dessin)
Delcourt, 2019
A l’occasion d’une émission TV de chanson, une IA (intelligence artificielle) se glisse parmi les concurrents et lance le débat. Une journaliste va aller interviewer ses créateurs pour comprendre les processus d’apprentissage d’une IA capable de générer des phrases complètes.
Grâce à cette trame didactique assez classique dans la BD documentaire, les auteurs expliquent bien le principe du deep learning, c’est-à-dire l’ « éducation » d’une IA en lui proposant un maximum d’images ou de textes. Le programme Yurie, qui a été alimenté par un corpus de textes libres de droit (entre 1900 et 1950), montre à la fois un large vocabulaire mais également une forte tendance à la misogynie, reflet de la société de l’époque – de même qu'une IA apprenant des réseaux sociaux se mettra à tenir des propos misogynes et racistes rapidement.
Les entre-chapitres sont assez techniques mais le reste est assez illustré d'exemples pour être parlant. Les exemples d’utilité des IA n’élèvent cependant pas un petit côté glaçant lorsqu'on réalise la prédictibilité de nos comportements. Une BD intéressante et didactique sur l’avancée actuelle en matière d'IA.
Public adulte. Tome unique.
Les bébéthécaires vous souhaitent de belle vacances d'été, rendez-vous à la rentrée pour le prochain Samedi, on bulle ! le samedi 14 septembre à partir de 16h !